Votre Alter Ego

Intelligence Artificielle : quel avenir pour les compétences de nos enfants ?

Eléments de réponse : rencontre avec Laurent Alexandre*

« Le fait que le périmètre des actions humaines dépassées par l’Intelligence Artificielle soit de plus en plus large, nous conduit à prendre en compte, à la fois que la plupart des métiers existant aujourd’hui sont menacés, et que nos technologies de transmission sont obsolètes. Laurent Alexandre, face à l’inertie générale relative à ces éléments, évoque une image bien parlante, celle de la grenouille plongée dans une bassine d’eau dont on élève tout doucement la température au point où elle s’endort sans réaliser qu’elle va mourir. 
Aujourd’hui, les robots sont très chers : ce phénomène explique que soit encore exclu le remplacement d’un grand pan de professionnels, avant une quinzaine d’années. Nous avons donc le temps de réorganiser le système de formation, d’éducation… mais il ne s’agit pas pour autant d’en perdre ! De fait, penser, comme rendre possible la reconversion de millions de gens, ne peut se faire magiquement, tout seul, ni en cinq minutes, pas plus qu’en six mois !

Prenons un exemple concret : les chauffeurs routiers, qui, avec les véhicules autonomes, vont voir leur profession devenir inutile ; du jour au lendemain, ils ne pourront pas se reconvertir en généticien, neuroscientifique ou data scientist ! C’est cette réalité qu’il nous faut acter et à laquelle il nous faut trouver des éléments de réponse : anticiper la chose est toujours possible. Penser disparition des métiers et, dans une même temps, appréhension plus constructive de l’ensemble des nouvelles profession vouées à apparaître.
Anticiper donc, mais également, en oser parler.

En effet, qui dit formation dit apprentissage… et, par suite, capacités d’apprentissage. Or, le quotient intellectuel (QI) fait partie de ces choses taboues, comme l’est a fortiori son implication dans les possibilités même d’apprendre. Nous le savons : l’intelligence va de pair avec la capacité, la rapidité et l’efficience dans ce champ et, par suite, peut permettre d’affronter plus efficacement le monde revisité par l’I.A. via des informations. A l’inverse, une intelligence moindre ralentira cette possibilité… Cette assertion de l’ordre du politiquement incorrect doit être vue comme un appel à réagir : il s’agit de trouver les méthodes éducatives adaptées aux personnes ayant le moins de facilités, leur permettant d’apprendre mieux et plus vite.

L’absence de fait d’égalité intellectuelle ne peut être palliée par le fait d’avoir ou non de bons professeurs, et face à l’I.A., il nous faut autre chose afin de pouvoir accompagner les individus au Q.I. plus faible, que chacun puisse avoir les moyens de se débrouiller dans ce nouveau monde.

C’est cette idée qui incite notamment Laurent Alexandre à repenser école, enseignement et formation. Il propose ainsi de faire entrer à l’école des spécialistes des neurosciences puisque l’enseignant du futur sera fondamentalement un neuroculteur. Actuellement, les professeurs comprennent mal le fonctionnement du cerveau de leurs élèves. Cela rejoint d’ailleurs une réflexion émise par le psychologue cognitiviste, neuroscientifique et directeur du tout récent Conseil scientifique de l’Education nationale, Stanislas Dehaene : « Il est quand même incroyable qu’un certain nombre d’enseignants connaissent mieux le fonctionnement de leur voiture que celui du cerveau de leurs élèves ». De la même manière qu’un médecin a besoin de connaître la physiologie humaine pour soigner, un professeur doit connaître le cerveau des élèves, lequel est manipulé (terme à saisir non nécessairement sous sa connotation négative) quotidiennement et qui, par son incroyable neuroplasticité (notamment mais point uniquement les premières années), va ainsi se développer, évoluer, etc. Toute éducation est ainsi manipulation.
Pourquoi est-ce une donnée aussi importante ? Car le monde qui se dessine va, comme évoqué, plus que jamais être demandeur en matière de compétences et de flexibilité. Or nous ne pouvons laissé de côté les enfants ayant le moins de possibilités intellectuelles : d’où la nécessité d’une éducation personnalisée, adaptée (adaptative learning) et dynamique (à même de suivre l’évolution de tout un chacun).

Comme le remarque Laurent Alexandre, aujourd’hui, les recherches neuroscientifiques relatives à la pédagogie sont très peu nombreuses au regard de toutes celles consacrées à la biomédecine ou à la pharmaceutique. Or, il en va du devenir des enfants et des générations de demain ! Faisons évoluer l’école, ses méthodes de transmission, ses techniques disponibles, etc., et revalorisons, dans la même lancée, le travail des enseignants.
Les cerveaux biologiques méritent autant, sinon plus, que les cerveaux artificiels et nous pouvons même aller jusqu’à souhaiter très rapidement un véritable Act Up de l’éducation ! ».

Extrait d’un article paru dans la revue Sciences Psy mars 2018, d’après le livre de Laurent Alexandre La guerre des intelligences, Intelligence Artificielle versus Intelligence Humaine aux Ed. J.C. Lattès 2017.

*Laurent Alexandre est chirurgien, neurobiologiste, diplômé de Sciences Po, d’HEC et de l’ENA. Fondateur, notamment, de Doctissimo et d’entreprises High-tech, il est spécialiste des enjeux des révolutions technologiques actuelles. Il est également chroniqueur au Monde, au Huffington Post, ainsi qu’à L’Express.

Je vous ai proposé cet extrait pour attirer votre attention sur l’importance évidente, pour les parents, d’eux aussi connaître le cerveau de leurs enfants. En effet, comme il est ici évoqué, l’I.A., dans sa 2ème et 3ème génération, va s’inviter dans nos vies d’ici une quinzaine d’années. Selon un rapport américain d’experts en I.A., publié l’an dernier, celle-ci surpassera les capacités humaines en 2024 pour la traduction, en 2026 pour l’écriture d’une rédaction de niveau lycée (!), en 2027 pour la conduite d’un camion, en 2056 pour le travail de chirurgien. De plus, les chercheurs pensent qu’il existe 50% de chances que l’I.A. dépasse les capacités humaines, toutes professions confondues, d’ici 45 ans, et que tous les métiers soient automatisés d’ici 120 ans! Certes, ces chiffres ne sont qu’une projection. L’I.A. concernera cependant très vite les études et les emplois de nos enfants, et aura résolument bouleversé en totalité ceux de nos petits enfants. Autant devancer l’appel et s’y préparer dès aujourd’hui. Leurs cerveaux nous sont plus que jamais précieux !

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